Le 12 septembre, nous fêterons les 175 ans de notre État fédéral démocratique. La privation de débats dans les écoles imposée par le Ministre vaudois de l’enseignement Frédéric Borloz en cette période d’élection n’est pas le meilleur moyen de célébrer notre démocratie.
Cette semaine, cette interdiction a été cautionnée par le Grand Conseil en refusant une résolution de mon collègue député et président du Parti socialiste vaudois Romain Pilloud. Il n’y a eu qu’un embryon de débat. Une majorité du Grand Conseil PLR-UDC suivie par la plupart des Verts’libéraux ont imposé une motion d’ordre pour passer rapidement au vote et classer la résolution. « Nous sommes là, nous pour débattre et eux [sous-entendu: les élèves] sont là pour étudier » a-t-on entendu dans la bouche d’un élu PLR … Cette fin de semaine, le Ministre vaudois édictait sa Directive sur l’interdiction des débats électoraux à l’attention des directions d’établissements et du corps enseignant durant les 10 semaines précédant une échéance électorale.
Sans précédent
Je siège depuis 2012 au Grand Conseil et je n’ai pas le souvenir jusqu’ici d’une décision imposant une interdiction de débattre. Selon les explications données par le Ministre au Grand Conseil, il faudrait éviter aux candidats « d’aller à la pêche aux voix » et l’école devrait rester neutre. Ces arguments procèdent d’une vision dépréciative de toutes celles et ceux qui font l’école. Les élèves d’abord (nous parlons d’adolescents ou de jeunes adultes) qui seraient incapables de se forger une opinion à l’issue d'un débat tenu dans les règles de l’art. Le corps enseignant ensuite qui ne serait pas en mesure d’insuffler à leurs élèves un sens critique, une des missions prioritaires de l’école. Les directions d’établissements enfin (car c’est souvent à cette échelle que s’organisent les débats) pour lesquelles la mise sur pied d’un débat contradictoire et respectueux des avis des uns et des autres serait insurmontable.
"En démocratie, l’interdiction de débats contradictoires est rarement une bonne idée, à fortiori en période d’élection."
Régression
Pour faire passer cette régression pour une décision prétendument mesurée, le Chef de département indique qu’elle s’appliquera « uniquement » durant les 10 semaines précédent une élection. En d’autres termes, les élèves peuvent bien débattre, mais sitôt que l’enjeu est trop important, il faut les tenir à l’écart des discussions. Le 22 août dernier, la Commission fédérale de l’enfance et de la jeunesse publiait un communiqué demandant à l’école d’en faire davantage pour renforcer la participation des jeunes à la vie politique. Moins de 30% d’entre-eux participent aux élections. Prendre part à des débats est une mesure concrète pour les inciter à s’intéresser à la vie publique. Les algorithmes des réseaux sociaux et l’entre-soi nous renforcent dans nos propre schémas de pensée. L’école a un rôle de premier plan à jouer dans la confrontation à d’autres façons de penser.
En démocratie, l’interdiction de débats contradictoires est rarement une bonne idée, à fortiori en période d’élection.
Jean Tschopp, député socialiste au Grand Conseil, président de Groupe
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